Atelier Casamozza

Au centre de maintenance des chemins de fer, une trentaine d'agents qualifiés assurent les réparations et les vérifications de sécurité sur les quinze trains du réseau. Rencontre avec ces indispensables travailleurs de l'ombre

Gare de Casamozza. Quelques étudiantes et une poignée de touristes attendent le prochain train. De l'autre côté de ce quai baignant dans la tranquillité du mois de septembre, l'ambiance est au travail.

À l'abri des regards, dans ce hangar de quelque mille mètres carrés, les agents des chemins de fer examinent les trains. Ils sont une trentaine, chacun à son poste, affectés à une tâche bien précise.

Équipés d'un matériel de pointe, ces techniciens de l'ombre passent au peigne fin les rames de l'ensemble du réseau. Jamais plus de deux à la fois car pour assurer le transport de voyageurs, "il faut toujours dix trains en circulation", souligne Cédric Tang-Po.

Ce jeune chef de service connaît le métier et gère, à la façon d'un chef d'orchestre, le ballet des trains qui entrent au dépôt, la programmation de toutes les interventions, le planning des agents. Une mécanique désormais bien huilée depuis la rénovation complète de l'installation en 2011.

Quinze millions d'euros avaient été investis par la région pour assurer la maintenance des douze AMG qui effectuent la liaison entre Bastia et Ajaccio et des trois Soulé qui relient les communes de Balagne.

Deux immenses fosses permettent aux agents d'accéder aux moteurs et de grimper sur le toit pour réparer et changer si besoin la climatisation.

Lorsqu'il faut remplacer les essieux, un appareil de levage facilite le travail, comme l'explique le chef de service : "Cette fosse spéciale permet de soulever les deux rames qui pèsent quatre-vingts tonnes, d'un seul tenant et les agents travaillent en dessous."

Bogie
Les rames de tous les trains passent entre les mains des mécaniciens et des techniciens
tous les six mois pour des vérifications de sécurité.

Un gain de temps à un million d'euros

Avec plusieurs centaines de milliers de kilomètres parcourus chaque année, les roues des trains souffrent particulièrement. Mais avant d'être changées, elles sont rectifiées au moyen d'une technologie innovante.

"Le train est tiré par un chariot télécommandé sur les rails jusqu'ici, montre l'opérateur du tour de fosse, Antoine Ronchi. On le positionne et la machine procède aux rectifications nécessaires."

Ce travail qui réclamait auparavant l'immobilisation du train durant une semaine ne prend plus que deux jours et justifie l'investissement d'un million d'euros consenti à l'époque. Du temps, toute l'équipe en gagne aussi depuis la modernisation du magasin.

Ce bunker entièrement aménagé par les agents recèle pour deux millions d'euros de pièces de rechange spécifiques aux trains des CFC. Ici, le moindre boulon ou capteur est répertorié, chaque entrée et sortie du stock est notée par les responsables du service, Charles Finidori et Frédéric Sabiani.

"Tout est modernisé et informatisé. C'est un gain de temps considérable." Des agents qui doivent aussi anticiper les commandes sachant qu'il faut parfois compter 57 semaines... de délai pour obtenir une pièce de rechange. "Elles sont fabriquées en Allemagne et à flux tendu. Pour les couloirs intercirculations, nous avons dû attendre douze mois."

En matière de transport de voyageurs, les réglementations se révèlent draconiennes et toutes les opérations réalisées sur les trains sont soigneusement consignées.

"Là aussi, tout est informatisé et nous avons pour chaque rame de train des archives papier également. Nous savons quelle pièce, quelle réparation a été effectuée par quel agent et à quel moment", précise Cédric Tang-Po.

Soudure
À 18 ans, François-Joseph a choisi d'apprendre le métier au centre de maintenance
de Casamozza. Une passion pour les trains qui se transmet de père en fils dans la famille.

Un effort pour les conditions de travail

Des moteurs aux bougies en passant par les boîtes de vitesses, les toilettes, les vitres ou les fauteuils, tout est vérifié par le centre de maintenance à raison d'une visite minimum tous les six mois.

Sans compter les check-up d'urgence entrepris lors d'accidents ou de collision avec des animaux, qui demeurent extrêmement rares. Un service qui tourne bien et qui fait la fierté de la direction.

"Depuis que la SEM a été créée, nous avons tout mis en oeuvre pour internaliser un certain nombre de missions qui étaient auparavant assurées par la SNCF. La sous-traitance coûte cher et il est important pour nous d'avoir du personnel compétent et formé pour s'occuper de nos trains", souligne Hyacinthe Vanni, président des chemins de fer de la Corse.

Un personnel choyé par sa direction qui dispose par exemple au centre de maintenance de bureaux, de vestiaires, de douches et d'une salle de repos et de restauration qui sera elle aussi rénovée à la fin du mois.

"On demande beaucoup aux agents, y compris le soir et le week-end et nous faisons le maximum pour leur offrir de bonnes conditions de travail."

Casamozza est le centre névralgique du train corse qui doit maintenir une cadence soutenue pour assurer la sécurité des voyageurs, de plus en plus nombreux. En 2018, la fréquentation a de nouveau progressé, de 4,75 % par rapport à 2017, produisant des recettes qui dépassent aujourd'hui les cinq millions d'euros.

Une formation sur-mesure

Meulage
Photo christian buffa

Devant son établi, équipé du matériel de sécurité, François-Joseph Marchetti s'applique sur la soudure d'une pièce du rail.

À dix-huit ans, il ne s'est pas longtemps posé la question du choix de son métier. "Mon père et mon grand-père ont travaillé au chemin de fer. C'était une évidence pour moi de faire la même chose !"

Prendre soin des trains, les réparer, c'est une mission qu'il lui tient à coeur.

Au mois d'octobre, il débutera sa formation au centre des apprentis de Furiani. Un cursus qu'il a fallu ajuster à la spécificité de ces professions rares.

"Je vais suivre les cours du CAP carrosserie car il n'en existe aucun qui soit adapté aux trains", précise le jeune homme. L'entreprise a dû obtenir une dérogation de l'Éducation nationale pour permettre à François-Joseph d'apprendre au centre de maintenance de Casamozza. "Il n'y a pas d'écoles pour de nombreux métiers très qualifiés que ce soit pour la SNCF ou pour Airbus. Alors les entreprises forment directement en interne leur personnel", explique le chef de service Cédric Tang-Po.

Un autre alternant rejoindra l'équipe à la fin du mois de septembre, un étudiant en BTS.

Une voie toute tracée pour ces futurs agents des CFC.

À l'image de Richard Giudicelli qui en a fait l'expérience.

Après un contrat de professionnalisation durant quatre ans, il a été titularisé cette année et a rejoint l'équipe en charge de l'outillage.

Fosse

Source et photos : Corse Matin